48 ANS D’AVENTURES

Une pensée originale et indépendante sur la ville et l’architecture

par Maurice Culot

Les éditions AAM sont une émanation des Archives d’Architecture Moderne, une association privée crée en 1969 à Bruxelles pour préserver de la destruction les archives professionnelles des architectes de la fin du XIXème et du XXème siècle.

Maintenir la flamme de l’histoire de l’architecture de cette période, la rendre accessible à des lecteurs non spécialisés et susciter des vocations, tels sont ses objectifs.

L’histoire des éditions AAM, entamée à la fin des années 60, est indissociable de mon parcours d’architecte, de professeur et d’éditeur. La voici…

L’Ecole de La Cambre

Mon père était constructeur de ponts métalliques. Admirant son travail, c’est à l’adolescence que je décide de devenir architecte. Ma mère, une femme très élégante, m’initie à la beauté des tissus, des matières et des motifs, en particulier à ceux inspirés par l’Espagne ou elle a passé son enfance.Tous les deux soutiennent ma vocation.

J’intègre en 1958 l’Institut des Arts Décoratifs de Bruxelles (dit aussi « Ecole de La Cambre » du nom de l’ancienne abbaye où il est installé) qui a été créé en 1927 et dont la direction fût alors confiée à Henry van de Velde qui l’avait conçue sur le modèle de l’école de Weimar, futur Bauhaus.

Tout commence ici, dans cette école. Y enseignent alors de grandes figures de l’architecture et de l’art moderne, les architectes L.H De Koninck, Victor Bourgeois, Jean De Ligne, Léon Stynen, Charles Van Nueten, Robert Puttemans, les peintres Paul Delvaux, Jo Delahaut, René Guiette, les graphistes Lucien de Roeck, Luc van Malderen, l’historien d’art Robert L. Delevoy, auteur chez Albert Skira…

J’ai pour amis et condisciples François Terlinden, Bernard De Walque, Etienne Paquay, Paul Sternfeld et Philippe Rotthier qui apportera un soutien indéfectible à mes futures activités. C’est à La Cambre que je rencontre la peintre Kris van de Giessen avec qui je me marierai en 1966.

Philippe Rotthier Architectures Arquitecturas

Philippe Rotthier qui s’est installé à Ibiza en 1970 est une figure notoire de l’architecture vernaculaire. En 1982 il crée le Prix Européen d’Architecture Philippe Rotthier pour la Reconstruction de la Ville Européenne. En 1986 il inaugure à Bruxelles la Fondation pour l’Architecture. Il est l’auteur de plusieurs livres sur l’architecture traditionnelle à Ibiza et ses propres réalisations ont été publiées par les éditions AAM.  En 2012, infatigable mécène,  il fonde encore La Loge, un centre d’art contemporain installé dans l’ancien siège du Droit Humain à Bruxelles et apporte son soutien à diverses associations culturelles.

Kris van de GiessenL’artiste Kris van de Giessen est la fille du peintre expressionniste hollandais Arie van de Giessen et du graveur Raymonde Thys. Après ses études dans l’atelier Jo Delahaut à la Cambre, elle réalise des peintures monumentales pour l’ULB, la Villa Empain, Orival (en collaboration avec Philippe Samyn), Philippe Rotthier…
Ses oeuvres sont aussi présentes dans des collections publiques et privées.

François Terlinden

François Terlinden (1938-2007) était architecte urbaniste, cofondateur des Archives d’Architecture Moderne et de l’agence d’architecture GUS associé à Dany Graux. Il participe notamment à la création de la ville universitaire de Louvain-la-Neuve et restaure l’immeuble Old England, chef-d’oeuvre de l’Art Nouveau bruxellois qui accueille le Musée des Instruments de Musique.

L’expérience Américaine

En 1964, diplôme d’architecte en poche et muni d’une bourse de la revue Acier/Stahl/Steel, j’embarque pour les Etats- Unis. Quelques semaines après mon arrivée, je suis admis comme apprenti chez Frank Lloyd Wright en Arizona où j’apprends à dessiner au crayon de couleur à la manière du maître et découvre les archives de la mythique agence.

Cette expérience se poursuit chez chez Paolo Soleri, ancien élève de Wright, visionnaire italien qui a fondé son propre campus expérimental à Scottsdale et où j’entends pour la première fois le vocable « ecology ». Stimulé par son exemple, je construis sous le sol du désert une petite maison à mon usage qu’André Bloc, directeur de L’Architecture d’Aujourd’hui, visite et aura la gentillesse de publier dans sa revue.

En 1966, je rentre à Bruxelles pour passer mon diplôme d’urbaniste à La Cambre. Immédiatement après, avec Kris van de Giessen, qui vient de recevoir le prix de la Vocation, nous partons pour New-York et nous nous installons dans un loft du quartier de Canal Street. Nous fréquentons assidûment les galeries d’art et le Ballroom Farm d’Andy Warhol. Stimulés par la grandeur et la vitalité de New-York, nous rentrons à Bruxelles animés d’une farouche volonté d’entreprendre.

Ma maison dans le désertJe m’inspire des techniques mises en oeuvre par Paolo Soleri pour construire ma maison à proximité de la sienne. Du béton légèrement armé est coulé sur le sol et les pièces excavées ensuite. Seule émerge la paroi de la douche, faite d’une couverture trempée dans le plâtre et suspendue à une ossature métallique.

 

Taliesin West

Taliesin West, le campus de Wright est installé sur des terres indiennes à Scottsdale à proximité de Phoenix. Nous sommes en 1964. Olgivanna Wright, la dernière épouse de l’architecte, dirige l’agence. L’atelier de dessin est couvert par des toiles tendues entre d’immenses poutres en bois. Je loge comme mes compagnons apprentis dans une tente installée dans le désert et entourée de saguaros et de mygales.

Paolo Solieri

Wright est installé dans le désert rocheux et Paolo Soleri dans la plaine alluvionnaire. Il en  utilise l’argile pour fabriquer des cloches qui lui assurent un revenu permanent. Rare architecte alors sensibilisé à l’écologie, il dessine des villes utopiques, construit des ateliers en forme de demi-coupoles en béton qui protègent du soleil et des structures habitables sculptées dans la terre. Je fais partie de la force de travail similaire – toute proportion gardée – à celle des égyptiens attelés à la construction  des pyramides.

Antoine Pompe, figure tutélaire et nouvel ami

Rentrés à Bruxelles, nous louons en 1968 un atelier d’artiste situé 4 rue Paul Spaak à Ixelles, une réalisation de Fernand Bodson. Dans l’une des caves de la maison, je découvre un dessin qui représente un projet pour « La Populaire », une maison du peuple à Liège. Il est daté de 1917 et signé Fernand Bodson et Antoine Pompe. Ma vie s’apprête à basculer.

En feuilletant un annuaire  je trouve le téléphone et l’adresse d’Antoine Pompe et prend rendez-vous avec lui.  J’ai 27 ans et lui 95 (il disparaîtra en 1980 âgé de 107 ans). Au cours de nos conversations je découvre tout un pan oublié de l’histoire de l’architecture en Belgique et le génie de mon nouvel ami, auteur en 1910 d’une construction exceptionnelle, la clinique du Docteur Van Neck avec sa façade en briques de verre.

Je veux à tout prix faire connaître l’oeuvre de cet architecte oublié et je propose au conservateur du Musée d’Ixelles, Jean Coquelet de lui consacrer une rétrospective. Celle-ci aura lieu en 1969, sous l’intitulé « Antoine Pompe et l’Effort Moderne en Belgique 1890-1940 ».

Antoine Pompe

Antoine Pompe (1873-1980) fait partie des premiers modernes belges (Fernand Bodson, Léon Sneyers, Oscar van de Voorde…) qui, s’éloignant de l’Art Nouveau, prônent une architecture de la raison et du sentiment. Formé en Allemagne aux arts décoratifs, Antoine Pompe se fait connaître avec la construction d’une clinique orthopédique en 1910, puis par des cités jardins (Roulers, Kapelleveld) et des habitations privées ou s’expriment son goût pour le gemütlichkeit et l’architecture domestique anglaise. Il sera un temps associé avec Fernand Bodson (1877-1966), architecte, figure de commandeur et fondateur de revues de combats (Teckné, Art et Technique, La Cité). Ses oeuvres majeures sont la Ferme-école de Waterloo, un ensemble de bâtiments dans ligne de l’architecte Voysey commencé en 1912 et le groupe de trois immeubles construits rue Spaak à Ixelles de 1927 à 1931.

Clinique du Docteur Van Neck
Clinique du Docteur Van Neck

La clinique du Docteur Van Neck, construite en 1910 à Bruxelles par Antoine Pompe rend compte de la double influence de Viollet-le-Duc et de Paul Hankar.
De l’Art Nouveau, Pompe retient la franchise structurelle (poutres métalliques apparentes en façades, utilisation des briques de verre pour isoler la salle de gymnastique, bow-windows de l’appartement du docteur) et de Viollet-le-Duc la rationalité médiévale (conduits de ventilation de la clinique affirmé en façade, rambarde métallique permettant le nettoyage des briques de verre, ferronnerie de balcon amovible).

La maison du peuple

Ce projet, non réalisé, daté de 1917, pour une maison du peuple à Liège est emblématique de l’éthique d’Antoine Pompe et Fernand Bodson, deux architectes engagés dans le parti ouvrier belge et la franc-maçonnerie, animés de sentiments philanthropiques et partageant leur savoir par l’enseignement dans des cercles ouvriers et artistiques.

Naissance des Archives d’Architecture Moderne

Pour réaliser l’exposition sur Antoine Pompe, j’avais emprunté de nombreux documents à des architectes âgés ou à leurs ayants droits. Au terme de celle-ci les prêteurs m’interrogèrent sur ce qu’il fallait faire de ces papiers ayant échappé à la destruction qui était alors le lot des archives privées des architectes. M’inspirant des archives vues chez Frank Lloyd Wright, j’imagine de créer une archive privée spécialisée qui se donnerait pour mission de collecter et de faire connaitre ces documents au public. Elle est créée en 1969 sous le nom de « Archives d’Architecture Moderne » et administrée par R.L Delevoy, devenu directeur de La Cambre, les architectes François Terlinden, Bernard de Walque et moi-même qui en ai assuré sans discontinuer la direction.

Au cours des années, l’association occupera des bâtiments emblématiques: des ateliers d’artistes, une maison de style Art Déco néo-andalou, « Le Droit Humain » une ancienne loge maçonnique construite en 1930, une usine électrique fin de siècle agrandie en 2000.

Entre 1969 et 2017, les Archives d’Architecture Moderne ont constitués une des plus grandes collections d’archives d’architecture et réalisé plus de 150 expositions dont certaines ont fait l’objet d’itinérances.

Parmi les architectes que les Archives d’Architecture Moderne auront l’occasion de présenter au public, figurent notamment L.H De Koninck, Victor Bourgeois, qui fût proche de Mallet-Stevens et Fernand Léger, René Braem, un ancien collaborateur de Le Corbusier, Lucien François, Henry van de Velde, Paul Hankar…

En 1978, à l’occasion de l’exposition consacrée au 50ème anniversaire de la fondation de l’Ecole de La Cambre, je rencontre la danseuse Akarova. Une amitié naît qui donnera lieu en 1988 a une exposition et à l’édition d’une monographie. En remerciement, la seule artiste belge qui pratiquait la danse moderne nous fera don de sa collection de cent vêtements de danse.

AkarovaAkarova (1904-1999) est le nom de scène de la danseuse bruxelloise Marguerite Acarin. La collection des décors et costumes à danser qu’elle a offert aux Archives d’Architecture Moderne comprend plus de cent costumes avec leurs accessoires, décors, disques d’époques et photographies constituant un fonds artistique et documentaire sur la danse moderne unique en son genre. En 1988 les éditions AAM lui consacrent une volumineuse monographie qui suscitera l’intérêt particulier de Karl Lagerfeld, qui rencontrera la danseuse.

Les collections concernent plus de 500 créateurs bruxellois, belges, français et de divers autres pays, des XIXe et XXe siècles ainsi que d’importants fonds sur l’exposition de Bruxelles 1958, l’ex-Congo belge et le Zaïre, l’entreprise Blaton, le Mont Blanc, les serres, l’automobile, les gares, les stations balnéaires, les villes, les gratte-ciel, la Grande Guerre, la franc maçonnerie, l’Art Nouveau et l’Art Déco, l’architecture industrielle, les guerres de 14-18 et 40-45…
Elles comprennent entre autres des oeuvres de: Jos Bascourt, Marcel-Louis Baugniet, Ernest Blérot, Fernand Bodson, Victor Bourgeois, Renaat Braem, Théo Clément, Fernand, Gaston et Maxime Brunfaut, Peter Callebout, Alban Chambon, Louis Herman De Koninck, Albert et Alexis Dumont, Jean-Jules Eggericx, Lucien François, Paul Hankar, Paul Hamesse, Georges Hobé, Victor Horta, Stanislas Jasinski, Ernest Jaspar, Léon Krier, Henry Lacoste, Marcel Leborgne, Le Corbusier, Robert Mallet-Stevens, Paul-Amaury Michel, Antoine Pompe, Léon Sneyers, Pierre et József Vago, Henri van de Velde, Frank Lloyd Wright…

Parmi les expositions présentées par les Archives d’Architecture Moderne, on peut citer Bruxelles 1900, Jean-Baptiste André Godin, Les Châteaux de l’Industrie, Antoine Pompe architecte de la raison et du sentiment, L.H De Koninck architecte des Temps modernes, Le Corbusier à Pessac, Rudolf Schindler, Victor Bourgeois, Renaat Braem, Akarova, J.J Eggericx gentleman architecte créateur de cités jardins, Rob Mallet-Stevens, Joseph Bascourt…

Diversification et contestation

Les fonds d’archives s’amassant rapidement, l’association décide de les valoriser par des expositions et l’édition de catalogues, si bien que dès 1969 la maison d’édition AAM est constituée et publie ses premiers livres .

Ces années sont aussi celles où Bruxelles est tombée aux mains de spéculateurs qui ont fait main basse sur la ville. Nous décidons de nous lancer dans la bataille contre la bruxellisation en réalisant avec des étudiants de La Cambre des contreprojets qui sont utilisés par les comités d’habitants et l’Atelier de Recherches et d’Actions Urbains connu sous le nom de L’ARAU.

En 1975 les Archives d’Architecture Moderne remportent l’appel d’offres pour l’inventaire visuel de l’architecture civile et industrielle de Lille-Roubaix-Tourcoing qui donnera lieu à une exposition et deux livres : Les châteaux de l’Industrie et Le Siècle de l’Eclectisme. Dans la foulée est réalisé l’inventaire industriel des 19 communes de Bruxelles et différents plans d’aménagement.

Les Archives sont devenues une collection, un musée, une maison d’édition, un centre de documentation et un protagoniste actif de la contestation urbaine.

ITT Go Home

La bruxellisation est un terme forgé dans les années 1960. Il définit le processus de destruction d’une ville en temps de paix par des promoteurs privés et publics, des hommes et des femmes politiques, des architectes et des ingénieurs alliés pour le pire dans des entreprises éhontées de spéculation allant à l’encontre des intérêts de la population et du patrimoine urbain.


En 1978, les éditions AAM publient Architecture Rationnelle de Léon Krier, premier livre consacré à la reconstruction de la ville européenne. Il est suivi par un autre succès en 1980 : la première monographie consacrée à Rob Mallet-Stevens. En 1986 la thèse de François Loyer sur Paul Hankar fait l’objet d’une édition monumentale. La Goutte d’Or, Faubourg de Paris est un plaidoyer en faveur de la sauvegarde d’un quartier populaire brutalement rénové par l’Etat et la Ville de Paris, il est co-édité en 1988 avec Éric Hazan, éditeur et auteur, devenu un ami, qui dirige aujourd’hui les éditions La Fabrique. Penser la ville de René Schoonbrodt et Pierre Ansay (1989) est devenu un ouvrage de référence souvent réédité, tout comme le bestseller d’Hélène Guéné, Odorico, mosaïste Art Déco.

La collection des Carrés AAM divulguent les oeuvres de Victor Horta, Paul Hankar, Henry van de Velde, Le Corbusier, Fernand Bodson et Antoine Pompe, Akarova, Pierre Barbe, Marcel Leborgne, Antoine Courtens, J.J Eggericx, Henri Sauvage, Rob Mallet-Stevens, J.B Godin, Jozsef Vago, Frank Lloyd Wright, Eliel Saarinen, Henry-Jacques Le Même, Renaat Braem, André Jacqmain, Léon et Rob Krier, Andres Duany, Rudy Ricciotti, Jean Nouvel, Marcel Broodthaers, Panamarenko, Victor Bourgeois, Jos Bascourt, René Braem, Antoine Courtens…

La maison d’édition publie aussi des livres d’histoire et de théorie (Les Bastides, essai sur la régularité, Forme et caractère de la ville allemande, Berne et les villes fondées par les ducs de Zähringen, La Cambre 1928-1978, Lettres de Sicile…), d’art et de photographie (Intérieurs de François Hers, Lions de Paris de Didier Serplet, Fleurs de Paris de France de Griessen…) et aussi sur l’Art Nouveau, l’Art Déco, l’architecture industrielle, le logement étudiant, la bande dessinée, la mode, l’habitat, le développement durable…

La reconstruction de Bruxelles

Les contreprojets sont élaborés par les Archives d’Architecture Moderne et des étudiants de l’atelier d’architecture de Maurice Culot à l’Ecole de la Cambre. Leur objet était de proposer des alternatives réalistes face aux projets privés et publics destructeurs. Conçus pour être aisément lisible par le grand public et pour ce faire privilégiant les vues axonométriques et les perspectives, ils sont dessinés dans l’esprit de la « ligne claire » de la bande dessinée belge pour être facilement imprimés en noir et blanc dans les journaux. Aujourd’hui les contreprojets suscitent un regain d’intérêt et on peut utilement consulter les études récentes qui leur ont été consacrées, notamment par l’historienne de l’art Isabelle Doucet.

A.R.A.U
L’Atelier de Recherches et d’Actions Urbaines (ARAU) est créé en 1969 à l’initiative du sociologue René Schoonbrodt, de l’avocat Philippe de Keyser, du théologien Jacques Van der Biest et de l’architecte Maurice Culot. Il analyse les projets privés et publics et critique ceux qui sont néfastes pour la ville et la qualité de vie des habitants. Il fait connaître ses positions par des conférences de presse et éventuellement par des actions spectaculaires qui ne manquent pas d’humour. L’action de l’ARAU a été le facteur déterminant dans la démocratisation des processus de décision à Bruxelles et la fin de l’urbanisme du fait accompli. L’ARAU poursuit toujours ses activités sous la direction d’Isabelle Pauthier et organise également des visites guidées critiques de Bruxelles, des voyages d’études et une école urbaine annuelle sur des thèmes d’actualité. Les activités de l’ARAU seront souvent relayées par les Archives d’Architecture Moderne sous forme de guides, d’affiches, de publications. « La ville sinon rien », telle est la devise de l’ARAU.

Vers une reconnaissance internationale

L’activité des Archives d’Architecture Moderne, par sa rare diversité, retient maintenant une attention internationale. Diffusées en France par Le Moniteur et aux Etats-Unis par Princeton University Press, les éditions AAM connaissent un succès grandissant.

La Revue AAM, inspirée par le bulletin de la AA School à Londres et édité de 1975 à 1990 contribue à étendre l’audience des AAM en faisant appel à des contributeurs européens et américains et en défendant l’idée de la résistance anti-industrielle, alors à contre-courant.

Depuis 1969 j’enseigne à l’Ecole de La Cambre ce qui constitue une autre opportunité d’échanges et de liens avec d’autres professeurs d’écoles européennes et américaines.

Je suis invité en 1979 à rejoindre l’équipe de l’Institut Français d’Architecture et à en diriger le département Histoire et Archives. Kris, mes deux enfants et moi-même nous installons à Paris au début des années 80.

A l’invitation de Léon Krier et de Paolo Portoghesi, les contre-projets bruxellois sont exposés à la première Biennale d’Architecture de Venise en 1980.

Le Prix d’Architecture pour la Reconstruction de la Ville Européenne est crée en 1982, suivi en 1986 par la Fondation pour l’Architecture. Je préside ces deux initiatives militantes au rayonnement international, dont Philippe Rotthier est l’initiateur et le mécène.

Dans les années 90, je suis invité à enseigner à l’école d’été du Prince Charles d’Angleterre et la pratique des contre-projets est appliquée, cette fois avec l’accord des maires, aux villes d’Oxford, Viterbo, Biarrtiz et Chinon.

Le travail des AAM et les projets de mes étudiants à La Cambre sont présentés dans des revues renommées : Architecture d’Aujourd’hui, Lotus International, Oppositions, Architectural Design, Macadam…

En 2000, je reprends mes activités d’architecte privé au sein des agences parisiennes Styles Architectes et Arcas-Paris ce qui ouvre de nouvelles opportunités éditoriales.

En 2002 je crée la collection des Petits carrés, une collection de livres de 64 pages au format réduit, facile à mettre en poche et dont le contenu se situe entre le livre et l’article. Trente titres sont parus à ce jour.

A partir de 2003 les AAM coéditent les livres de l’agence Ante-Prima que dirige Luciana Ravanel, ancien directeur de l’Institut Français d’Architecture. Il s’agit principalement de réalisations d’architectes et de paysagistes français et européens contemporains (Rudy Ricciotti, Jean-Baptiste Pietri, Alfonso Femia, Roland Carta, Chaix et Morel, Michel Péna…) et de thématiques actuelles : les gares d’aujourd’hui, la ville durable, les architectes français dans le monde…

Dix ans après mon entrée comme étudiant à l’école de La Cambre j’y reviens comme professeur porté par la vague de Mai 68, le succès de l’exposition du musée d’Ixelles et de la création des Archives d’Architecture Moderne qui me valent de recevoir en compagnie de mon ami François Terlinden le Prix de la Vocation des mains de Françoise Giroud.
Si le vent souffle de Londres et de l’AA School que dirige Alvin Boyarski, Paris n’est pas en reste avec la figure de commandeur de Bernard Huet, directeur d’Architecture d’Aujourd’hui qui consacre une première de couverture aux AAM. Des échanges d’expositions et de conférences croisées, de capitale à capitale, rythment la vie à La Cambre où j’ai l’opportunité d’inviter de nombreux créateurs dont beaucoup deviendront des amis : les architectes Fernando Montes, Antoine Grumbach, Colin Fournier, Claude Parent, Charles Vandenhove, Roland Castro, Peter Cook qui me présente à Léon Krier, début d’une longue et durable amitié émaillée de projets, conférences, livres, le cinéaste Jacques Baratier, l’historien Henri Guerrand, le dramaturge Jean Louvet… Le cercle de l’amitié s’étend à la Suisse avec Jacques Gubler, à l’Autriche avec Rob Krier, à l’Italie avec Dario Matteoni à Pise, Pierluigi Cervelatti à Bologne, Pier Luigi Nicolin à Milan qui dirige la revue Lotus International, aux Etats-Unis avec Thomas Gordon Smith et plus tard Andres Duany, Roberto et Rosario Behar, François Lejeune, Lucien Steil, Bob Stern…
Rapidement, les terribles destructions dont Bruxelles est l’objet de la part d’hommes politiques, de promoteurs, d’architectes et d’ingénieurs m’incite à faire travailler les étudiants sur des contre-projets qui sont utilisés par l’atelier de Recherche et d’Actions Urbaines et par les comités d’habitants en lutte. Les éditions AAM rendent compte à travers des publications (Le Bateau d’Elie, La Tour ferrée, La reconstruction de Bruxelles…) de cette période tumultueuse qui fait l’objet aujourd’hui de travaux de recherches et d’expositions.

Editée jusqu’en 1990, la revue a été un vecteur de valorisation de la ville européenne et l’occasion de quelques éditoriaux iconoclastes parfois repris par d’autres revues, comme celui que nous signons Léon Krier et moi sous le titre L’ unique chemin de l’architecture, qui sera également publié dans la revue américaine Opposition. Les premières de couvertures sont le plus souvent illustrées par des oeuvres spécifiques de l’artiste Rita Wolf.

Je suis invité en 1979 à rejoindre l’équipe de l’Institut Français d’Architecte et à en diriger le département Histoire et Archives. J’avais été recommandé par François Mathey, conservateur en chef du Musée des Arts Décoratifs qui m’avait confié en 1971 la réalisation des sections Horta et van de Velde dans l’exposition « Pionniers du XXe siècle ».
L’Institut Français d’Architecture (l’IFA) est installé en 1980 au 6, rue de Tournon, dans le 6ème arrondissement de Paris. Il sera dirigé successivement pendant la période ou j’y serai actif – entre 1979 et 2005 – par Francis Dolfuss, Florence Contenay, Luciana Ravanel et Jean-Louis-Cohen, les différents départements étant confié à François Chaslin, Jean-Pierre Epron, Bertrand Lemoine, Patrice Goulet et à moi-même qui crée au sein de cette institution Les Archives d’Architecture du XXème siècle. Installées dans un ancien hôpital elles entament une collecte sans précédent en France d’archives privées d’architectes français.

Le Moniteur, Mardaga que dirige Pierre Mardaga et Maité Hudry des éditions Norma sont alors les principaux éditeurs des livres conçus au sein de collections : Villes, Architecture, Architectures des années 20 et 30, Essais, Villes de la frontière avec la DATAR…Parmi les livres qui marquent cette période on peut retenir l’édition monumentale du Journal de Fontaine, la première monographie consacrée à l’architecte Pierre Barbe par Jean-Baptiste Minnaert, celle consacrée à Jean-Charles Moreux par Susan Day ou encore celle dévolue à Edouard Niermans par Jean-François Pinchon. L’architecture balnéaire, thermale et climatique, particulièrement fragile, retiendra alors l’attention et en rendront compte des livres consacrés à la Ville d’Hiver d’Arcachon, à la station balnéaire d’Hossegor, à l’architecture des Côtes Basque, Normande et d’Opale. Soutenus par le Ministère de la Culture et Christian Dupavillon, ces livres ont beaucoup contribué à la protection d’un patrimoine privé parent pauvre de l’histoire de l’architecture. L’historien d’art Bruno Foucart, participe activement à cette campagne avec de nombreux écrits et en y impliquant ses élèves de la Sorbonne.

L’IFA sera intégré en 2000 dans la Cité de l’Architecture et du Patrimoine installée dans le Palais de Chaillot.

En 1982, l’architecte Philippe Rotthier, institue le Prix Européen d’Architecture pour la Reconstruction de la Ville. Il en confie l’organisation à Léon Krier et Maurice Culot. Ce prix triennal vise à promouvoir des réalisations qui ne sont généralement pas remarquées par les médias professionnels et qui s’inscrivent dans des contextes locaux, dans la continuité historique et la durée.
Les jurys sont composés de personnes venant d’horizons professionnels très différents. Le prix peut être attribué à des architectes tels que Quinlan Terry, Manzano Monis, El Wakil ou François Spoerry, mais aussi à des historiens à l’exemple d’Eusebio Leal Spengler en charge de la restauration de la ville de La Havane, à des cinéastes comme Emir Kusturica ou encore à institutions et des municipalités.


La Fondation pour L’Architecture est créé en 1986 par Philippe Rotthier pour être la vitrine des Archives d’Architecture Moderne et organiser le Prix Européeen d’Architecture Philippe Rotthier. Très rapidement, sous l’impulsion de ses présidents et directeurs successifs (Caroline Mierop et Bartomeu Mari, Diane Hennebert, Anne-Marie Pirlot), la Fondation multipliant les événements (expositions, concerts, grandes conférences, débats…) devient un des lieux de prédilection de la culture bruxelloise. On pourra y entendre et y rencontrer aussi bien les architectes Norman Foster, César Pelli, Rem Koolhaas que l’écrivain Raoul Vaneigem, le cinéaste Amos Gitai, les artistes Panamaremko, Mat Mulligan où Judith Barry. En 1989, la Fondation lance un appel aux jeunes architectes européens qui se concrétisera par la reconstruction en 1995 d’une partie de la rue de Laeken à Bruxelles. A partir de 2000, sous ma présidence et la direction d’Anne-Marie Pirlot, la Fondation oriente ses activités vers la sensibilisation des enfants à l’art et l’architecture.

Fondée en 2000 par Bart Chielens et Maurice Culot, l’agence Arcas Paris est spécialisée dans le construction de quartiers neufs de style classique, Art Déco et moderniste. Elle initie également la réalisation de livres. C’est ainsi que l’architecte Bernard Durand-Rival et Maurice Culot publient en 2017 Val d’Europe Vision d’une Ville, à l’occasion du trentième anniversaire de la création de la seule ville neuve française bâtie selon les principes constitutifs des villes européennes. La réhabilitation du site de la Banque de France à Asnières-sur-Seine suscite l’édition en 2017 d’un beau livre consacré au patrimoine architectural Art Nouveau et Art Déco de cette ville voisine de Paris. William Pesson, architecte, historien de l’art, président de l’association Quatremère de Quincy, spécialiste de l’ésotérisme et associé de l’agence publie ses essais dans une nouvelle collection où paraissent Architectures maçonniques, Architectures Rosicruciennes, et bientôt Architectures théosophiques.

Pérenniser pour mieux éditer

En 1998, inquiet de l’avenir des collections gérées par les AAM, je suggère au Ministre Hervé Hasquin, professeur et homme de culture, aujourd’hui Secrétaire perpétuel de l’Académie de Belgique, de créer un lieu qui regroupe les activités de différentes associations culturelles et accueille les collections des Archives d’Architecture Moderne. Ce sera le Centre pour la Ville et l’Architecture (CIVA). Un concours international est organisé et remporté une équipe française dirigée par Jean-Philippe Garric. Un nouveau bâtiment est construit en prolongement de l’ancienne usine électrique qu’occupe depuis vingt ans la Fondation pour l’Architecture rue de l’Ermitage à Ixelles-Bruxelles. Il est inauguré en 2000.

L’installation dans de nouveaux locaux adapté accroît encore la renommée des AAM qui sont devenues au fil des ans un véritable service public sans toutefois en disposer des moyens financiers ni des effectifs, l’équipe des AAM étant très compétente mais réduite . Pour assurer la poursuite de ses activités l’association envisage alors plusieurs scénarios : cession des fonds à une institution étrangère renommée (Centre Pompidou, Fondation Getty, Centre Canadien d’Architecture) dispersions au sein de diverses institutions belges (Bibliothèque Royale, Archives du Royaume, Musée d’Art Moderne), vente d’une partie des collections… Mais aucune de ces options n’est satisfaisante aux yeux du conseil d’administration qui souhaite que le patrimoine ne soit pas dispersé et reste à Bruxelles.
Correspondant à ces critères, l’offre faite en 2016 par la Région de Bruxelles d’acquérir l’ensemble des collections, évaluées à 20 millions d’euros et de conserver le personnel pour un euro symbolique est donc rapidement acceptée.

La maison d’édition, initiative personnelle dont j’avais toujours assumé la conduite et les choix éditoriaux, n’étant pas incluse dans la donation, conserve son indépendance. L’aventure culturelle privée entamée il y a près de cinquante ans par une poignée de militants de la cause architecturale continue…

Les éditions AAM aujourd’hui

Aujourd’hui la maison d’édition AAM , diffusée par l’Entrelivres et distribuée en Europe et au Canada par Les Belles Lettres Diffusion, poursuit plus activement que jamais ses activités éditoriales tournées vers une audience internationale et française en particulier comme en témoignent ses plus récentes parutions dont Fleurs de Paris dans la collection «L’âme romantique d’une ville » que dirige l’artiste pluridisciplinaire et auteure France de Griessen.

Mon implication dans les luttes urbaines, ma passion pour l’Art Nouveau, l’Art Déco, le style de la Sécession viennoise ou encore l’architecture balnéaire m’ont permis de contribuer à de nombreuses publications, revues et livres. Je suis aujourd’hui administrateur de la revue de combat Monts 14, qui lutte contre l’enlaidissement de Paris. Parmi les textes récents qui ont ma préférence, je citerai mes contributions au livre sur les Portfolios Modernes et Art Déco paru aux éditions Norma en 2014, à la publication des premiers écrits de Rob Mallet-Stevens entre 1907 et 1914 (éditions AAM 2016), à Modernes Arcadies, écrit en collaboration avec Bruno Foucart (éditions AAM, 2017), à Asnières-sur-Seine, Art Nouveau Art Déco, co-écrit avec Milena Charbit (éditions AAM, 2017) et à In the Mood for Architecture, Tradition, Modernism & Serendipity de Lucien Steil à paraître aux éditions Wasmuth en 2018.

De nombreux auteurs, historiens, artistes et photographes ont accordé au fil des ans leur confiance aux éditions AAM : R.L Delevoy, Roger-Henry Guerrand, Jacques Gubler, François Loyer, Annick Brauman, François et Luc Schuiten, Philippe De Gobert, Gilbert Fastenaekens, Bruno Foucart, Philippe Rotthier, Anne Van Loo, Francis Strauven, Yves Marchand et Romain Meffre, François Hers, Sophie Ristelhuber, Philippe Panerai, William Pesson, Jean-Baptiste Minnaert, Katia Pecnik, Marc Dachy, Harold Zellman, Jean-Paul Midant, Jean-Louis Cohen, Lucien Steil, Roberto Behar, Monique Eleb-Vidal, Louis Chevalier, René Schoonbrodt, Giovanni Wieser…


Maurice Culot chez Paolo Soleri, 1965